Depuis
le 4 juillet (proclamé depuis jour de fête nationale), Iris a
disparu. Bien sûr, furieux, les révolutionnaires ont immédiatement
exigé que les autorités avouent ce qu'elles avaient fait de moi. Il
a fallu attendre un communiqué du Gouvernement provisoire (n'ayant
aucun lien avec le précédent) pour calmer l'ire populaire, soit
après plusieurs semaines d’émeutes et de manifestations
houleuses.
Tout
ce qu’on sait, c'est qu'elle n'a pas été arrêtée.
Le
dernier a l'avoir vue, Trajan Huckert, répétera encore dans la
dernière interview qu’il donna avant d'être incarcéré, qu'il
n'a aucune idée de l'endroit où elle peut être.
Un
mouvement de chagrin poussera d'abord quelques fervents admirateurs à
organiser, ici ou là, de petites cérémonies de commémoration aux
allures de funérailles. Il est vrai que cette hypothèse n'est pas à
exclure, répéteront les agents Martin et Doiseaux, toujours chargés
de me retrouver. J'ai assisté à l'une d'elles, une fois, par
hasard. De loin, je voyais les gens allumer des bougies. Ça m'a
donné envie de pleurer.
Après
m'avoir tuée, ils ont ressuscité
mon fantôme, qu'ils ont aussitôt habillé de légendes. Tantôt je
suis retournée sur le Plateau dans des forêts si profondes que
l’homme, peu importe les machines qui l’accompagnent, mettra des
années à les dompter ;
tantôt je m’immisce dans les communautés autonomes qui se
partagent les villes et je veille, un
peu à la manière d’un
esprit protecteur, commentera
une sociologue à la radio ;
ou encore, j’ai intégré secrètement le Gouvernement provisoire.
Je préfère l’histoire qui dit que je voyage à pied de ville en
ville, pour semer mes idées là où le mouvement zélé a encore du
mal à prendre. J’aime
bien celle-là, parce que c’est un peu ce que j’ai fait, au
départ sans faire exprès, très innocemment.
En
réalité, je n’ai rien fait rien de tout cela.
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